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Infos pratiques

Vendredi 6 décembre 2019 à 14h00 > 16h00
IEP Rennes - Salle du conseil

Intervenant.e(s)

Pierre Rouxel
IEP Rennes

Soutenance de thèse de Pierre Rouxel

Titre de la thèse : Spatialités syndicales dans le capitalisme global. Une ethnographie comparée de quatre collectifs syndicaux en France et en Argentine.

Les membres du jury :

  • Christian Le Bart, professeur des universités, Arènes, IEP de Rennes (directeur de thèse)
  • Sophie Béroud, professeure des universités, Triangle, Université Lyon 2 (rapporteure)
  • Cédric Lomba, directeur de recherche, CNRS, CRESSPA-CSU (rapporteur)
  • Julian Mischi, directeur de recherche, INRA, CESAER (examinateur)
  • Juan S. Montes Cato, directeur de recherche, CONICET (Argentine), CEIL (co-directeur de thèse)
  • Maxime Quijoux, chargé de recherche, CNRS, LISE (examinateur)

Résumé de la thèse

Cette thèse prend pour objet les recompositions du syndicalisme dans des espaces industriels bouleversés en profondeur par les restructurations. Pour ce faire, nous effectuons une comparaison entre la France, souvent évoquée pour son syndicalisme « en crise », et l’Argentine, marquée au contraire par un regain d’activité de celui-ci depuis les années 2000, en nous appuyant sur une ethnographie de quatre collectifs syndicaux usiniers, majoritairement composés d’ouvriers. À rebours d’une image d’Épinal actant leur déclin inéluctable, la thèse examine les formes de résiliences de ces collectifs en s’employant à saisir leur action sur le lieu de travail comme en dehors. Ce faisant elle apporte une contribution à la compréhension des transformations du syndicalisme usinier, des formes contemporaines de la contestation au travail et des mondes ouvriers dans le contexte d’une économie globalisée.
 
La thèse précise le lien entre syndicalisme usinier et financiarisation des entreprises  en examinant la diversité des ajustements syndicaux à ce processus. Nous mettons en évidence les déstabilisations ainsi que les apprentissages et les capacités d’adaptation des collectifs syndicaux, qu’il s’agisse de leur recentrage sur l’entreprise et sur des modes d’action jugés plus ajustés aux exigences du capitalisme globalisé ou de leur redéploiement par l’intermédiaire de ressources et des réseaux de solidarité extra-usiniers. Le travail discute également l’hypothèse d’une démonétisation des ressources sociales localisées à l’heure du capitalisme global. Nous montrons le rôle persistant de l’expérience des rapports de domination au travail et de l’inscription dans un entre-soi ouvrier – souvent territorialisé – dans l’entrée en syndicalisme comme dans le maintien de l’engagement. Dans le même temps, l’espace usinier s’impose pour les syndicalistes comme un lieu stratégique, à la fois pour tenter de reconstruire des solidarités ouvrières et salariales mais aussi pour consolider des réseaux d’alliance plus ou moins prégnantes avec l’encadrement local et faire valoir leur position dans un espace entrepreneurial transnationalisé. Enfin, la thèse s’attache à décloisonner l’objet syndical et examine les logiques de déploiement des syndicalistes – trop rapidement désignés comme « de base » – dans les réseaux des organisations syndicales, auprès d’autres délégués des entreprises globales ou dans des mouvements sociaux. Ce faisant, la thèse souligne la variété des spatialités syndicales et invite à penser l’action syndicale dans des entreprises globales comme le produit de l’imbrication entre différents espaces et échelles d’intervention.
 
Par la combinaison de l’ethnographie et de la comparaison, ce travail déconstruit plus largement les catégorisations dichotomiques entre « basisme » du syndicalisme argentin et institutionnalisation du syndicalisme français, syndicalisme de service et syndicalisme militant, autonomie et dépendance à l’organisation syndicale, clôture et perméabilité du champ syndical. En établissant les similitudes et les différences entre les différents collectifs, la thèse permet ainsi de désingulariser les pratiques syndicales observées dans chaque contexte national et plaide pour un recours accru à un comparatisme « contrôlé », en mesure d’appréhender les manières syndicales d’agir dans le capitalisme global.